Le 15 janvier 2025 , publié dans Cycle de vie d'un oiseau
UN AN DANS LA VIE D’UN OISEAU
Chaque année voit se redessiner les grandes lignes d’un récit jalonné d’événements successifs, plus ou moins communs à toutes les espèces d’oiseaux : migration, formation des couples, reproduction, élevage et envol des oisillons, mue, hivernage… Nous vous proposons de découvrir ici, mois après mois, les diverses étapes du cycle annuel des oiseaux de la Réserve !
Survivre au cœur de l’hiver
Considéré comme le cœur de l’hiver, le mois de janvier est une période cruciale pour les oiseaux. La plupart des espèces limitent leurs mouvements migratoires et se concentrent sur une tâche essentielle : faire face au froid. Le défi est de taille pour les oiseaux qui, chaque jour, doivent à la fois économiser leur force et compenser les pertes caloriques engendrées par les basses températures. Où trouver les calories suffisantes pour leurs besoins énergétiques ? Comment empêcher la chaleur corporelle de s’échapper ? Comment anticiper la migration à venir ?
Pour maintenir le fragile équilibre qui les maintient en vie, tous consacrent l’essentiel des journées froides à l’entretien de leur plumage et à la recherche de nourriture.
Le plumage, un véritable manteau
Le plumage est la principale protection des oiseaux contre le froid. Il piège l’air chaud près de la peau pour créer une isolation efficace. En hiver, les oiseaux développent un plumage plus épais, adapté aux températures plus froides. En plus de réfléchir la lumière pour éviter la surchauffe en plein soleil dans un environnement enneigé, les plumes blanches offrent aux oiseaux comme le Lagopède alpin un camouflage dans la neige. Les plumes foncées, en revanche, absorbent plus de chaleur en captant davantage la lumière du soleil, ce qui peut être avantageux dans un environnement froid, où la lumière du soleil est limitée.
Au-delà des plumes, des comportements tels que l’orientation face au vent ou le positionnement d’une patte sous le plumage permettent aussi de limiter les pertes thermiques. Se placer face au vent empêche le froid de s’infiltrer « à rebrousse-plumes. » Cachée sous le plumage, la patte relevée de l’oiseau endormi offre une autre économie de chaleur. Au moins une de ses deux pattes est maintenue à bonne température. De même pour le bec, lui aussi dépourvu de plumes. Niché sous l’aile de l’oiseau qui se repose, il conserve de précieuses calories en réchauffant l’air inspiré.
Les réserves adipeuses
Sous leur plumage, les oiseaux stockent de la graisse. Elle sert à la fois d’isolant thermique et de réserve d’énergie. Ces réserves sont particulièrement importantes pour les espèces aquatiques comme les Canards, exposés à des pertes thermiques accrues au contact de l’eau froide.
Pour éviter l’hypothermie, les oiseaux ont dans les pattes un échangeur thermique digne des plus grands ingénieurs. Pour limiter la déperdition de chaleur du sang circulant au niveau de la peau, les vaisseaux qui le conduisent vers les pattes de l’oiseau sont en contact avec ceux qui remontent vers le cœur. Le sang qui descend est ainsi refroidi par celui qui remonte. Le sang qui remonte est réchauffé par celui qui descend. Cet échange à contre-courant permet de mieux préserver la chaleur.
Pour vivre mieux, vivons nombreux
Plus facile à observer, se rassembler permet aux oiseaux de profiter de la chaleur du groupe. C’est, par exemple, la stratégie adoptée par les étourneaux en hiver. Sur l’eau, de nombreux limicoles en sont aussi arrivés aux mêmes conclusions. (voir notre article : “Pourquoi former des dortoirs ?”)
Les règles de Bergmann et Allen
Au 19ème siècle, Carl Bergmann a émis l’hypothèse que les animaux à sang chaud avaient tendance à être plus grands dans les régions froides que leurs congénères plus éloignés des pôles. Lié à l’efficacité de la thermorégulation, ce phénomène indique que les individus de plus grande taille sont favorisés par la sélection naturelle dans les régions froides (moins de risque d’hypothermie) alors que les individus plus petits le sont dans les régions chaudes (moins de mortalité liée à de fortes chaleurs). Sur une même durée et dans les mêmes conditions climatiques, un grand oiseau perd moins de chaleur qu’un oiseau plus petit. Ainsi, plus on s’approche du nord plus les Merles noirs ou Moineaux domestiques du Royaume-Unis seront massifs (Duncan McCollin, 2015). À l’inverse, mais dans un même souci d’économie de chaleur, la règle d’Allen stipule que les animaux des milieux froids ont des appendices (queue, bec, oreille…) plus courts que leurs congénères des milieux plus chauds.
Encore peu observées dans nos régions tempérées, ces différences pourraient être de plus en plus marquées au fur et à mesure que le climat se réchauffe. Les études des prochaines années s’efforceront de confirmer ou non cette hypothèse.
Nourrir les oiseaux de manière responsable
En période de froid prolongé, un apport alimentaire peut être vital pour les oiseaux. Attention toutefois à ne pas les rendre dépendants et à leur offrir des aliments appropriés.
Les bons aliments
– Graisses végétales mélangées à des graines
– Graines de tournesol (très riches en lipides), millet, avoine, chènevis…
– Fruits frais (pommes, poires) et fruits secs non salés (noisettes, noix fraîches)
– Cacahuètes non grillées et non salées
– Des coupelles d’eau propre, indispensables pour boire et entretenir le plumage
Les aliments à éviter
– Pain, biscottes, pâtisseries qui gonflent dans l’estomac
– Tous produits salés ou riches en sucre
– Pas de lait
– Pas d’insectes
À regarder : 👉 Nourrir au jardin, attention aux mauvaises pratiques !
Ne surtout pas déranger
Pour survivre, les oiseaux doivent économiser la moindre calorie. Faire s’envoler un groupe de limicoles sur une plage en hiver revient à leur faire gaspiller une quantité d’énergie difficile à retrouver. Un oiseau qui n’a plus assez d’énergie pour trouver la nourriture nécessaire au maintien de sa température corporelle verra immédiatement ses chances de survie compromises.
L’hiver est une période décisive pour les oiseaux. Seuls survivent ceux qui réussissent à maintenir leur poids et préserver leurs forces. Perturber leur hivernage compromet leur capacité à constituer des réserves vitales.
La période qui précède la migration prénuptiale doit permettre aux oiseaux hivernants d’accumuler assez de calories pour rejoindre les sites de nidification. Le voyage étant bien souvent long et périlleux, l’oiseau doit, là encore, ménager ses efforts. C’est d’autant plus vrai pour certaines espèces, comme l’Avocette élégante, dont les couples peuvent se former sur les sites d’hivernage.
Pour une approche respectueuse :
– Maintenez une distance suffisante entre vous et les oiseaux dans les espaces naturels.
– Évitez tout bruit ou geste brusque.
– Respectez les zones de quiétude réservées aux oiseaux.
Si l’hiver est une épreuve pour les oiseaux, c’est aussi l’occasion pour nous de les observer et de les aider sans les déranger. Offrir une nourriture adaptée, proposer des conditions favorables à l’entretien de leur plumage et respecter leur tranquillité sont des gestes simples mais précieux. Parlez-en autour de vous !
EN CE MOMENT :
Relevez le défi de la LPO Aquitaine ‘Bien nourrir les oiseaux, ça ne mange pas de pain‘
POUR ALLER PLUS LOIN :
Planet Vie – Régulation ultradienne de la température corporelle chez les oiseaux
CNRS – La régulation ultradienne de la température corporelle : un nouveau mécanisme d’économie d’énergie chez les oiseaux face aux contraintes environnementales
MNHN – Ces espèces qui rétrécissent avec le changement climatique
Le Monde – Les oiseaux rétrécissent au fur et à mesure que le climat se réchauffe
GEO – Certains animaux modifient la taille de leurs appendices pour faire face au changement climatique
CRBPO – Les passereaux communs sont plus grands les années chaudes
Sciencepost – Une étude sur les dinosaures remet en question la règle de Bergmann
MNHN – Faut-il nourrir les oiseaux en hiver ?
LPO – Quand et comment nourrir les oiseaux en hiver ?
LPO – Nourrir au jardin, attention aux mauvaises pratiques !
Ornithomedia – Quand faut-il arrêter de nourrir les oiseaux en hiver ?
Ornithomedia – Quelques adaptations des oiseaux pour supporter le froid
Commission Ornithologique de Watermael-Boitsfort – Les adaptations des oiseaux pour supporter le froid
Ornithomedia – Quelques conseils simples pour partager les plages avec les oiseaux
Pour la science : des oiseaux pas manchots en maths